Par vents et par vignes
Début d’après-midi : le plus grand estuaire du Pacifique reflète allègrement les rayons d’un soleil radieux plus que bienvenu. Le ciel est bleu, il fait dans la vingtaine de degrés et le sourire s’esquisse sans le moindre effort sur le visage des clients.
Nous sommes le 1er mars, nous avons quitté le Québec ce matin et quelques heures plus tard, nous voilà changés de saison, de décor, de pays et surtout de rythme.
Place à l’éclectisme, au multiculturalisme, à la dévotion au terroir et à un art de vivre envié de par le monde. Vous ne le savez pas encore, mais c’est ici que vous laisserez, tel que Tony Bennett le chantait, une partie de vous-mêmes.
Bienvenue à San Francisco, the City by the Bay.
Retour aux sources attendu pour certains, premier contact pour plusieurs; le nord de la Californie fascine et sa réputation n’est certes plus à faire. Elle permet au visiteur de se retrouver immédiatement plongé dans un univers doté de familiarités : une chanson, un roman, un film, un symbole ou une période de l’histoire; tous ont un repère en Californie, signe de son empreinte intemporelle. Et parlant d’empreinte, s’il y en a bien une que ce coin de pays laisse, c’est bien dans le monde viticole.
C’est donc par la célébrissime vallée de Napa que nous débutons notre odyssée californienne. Longue d’environ une soixantaine de kilomètres, elle est traversée par la rivière éponyme et accueille, au fil des pittoresques villages que sont Calistoga, St Helena, Oakville, Rutherford, Yountville, Napa et American Canyon, une myriade de près de 500 domaines vinicoles épars entre monts et villages, aux styles architecturaux rivalisant d’ingéniosité. Ici, un château sorti tout droit de Toscane, plus loin, une inspiration de Santorin accessible seulement par téléphérique, là, une véritable perle victorienne en bois de séquoia voisine d’un domaine de style mission colonial qui nous rappelle la venue des pères Franciscains pendant la conquête espagnole. À ne point en douter, il existe à Napa autant de styles architecturaux que de styles de vin différents. En effet, au royaume des cépages Chardonnay et Cabernet Sauvignon, on dénombre néanmoins l’utilisation de plus d’une centaine de variétés de cépages dans la région. Lovée entre deux chaînes de montagnes, — les Vaca vers l’est et les Macayamas à l’ouest qui séparent les vallées de Napa et de Sonoma – la région de Napa s’est également taillé une place de choix comme destination gourmande et du bien-vivre. Établissements thermaux de qualité jouissant de la proximité avec la faille de San Andreas, hôtels aux récits vautrés dans des siècles de ruée vers l’or, tables champêtres de qualité et produits d’un artisanat inspiré par les beautés de la vallée; l’économie de Napa représente à elle seule des retombées de 50 milliards de dollars américains annuellement, une somme colossale sans cesse alimentée par l’afflux de visiteurs nationaux et internationaux venus s’abandonner aux vertus bienfaisantes des lieux, verre de vin en main.
De retour vers San Francisco, la baie s’offre de nouveau au regard à l’approche de San Rafael. Puis, c’est l’extase parmi les passagers : le fameux pont Golden Gate vient tout juste d’apparaître droit devant et le portrait du jour frôle la perfection : le pont est aujourd’hui des plus impressionnant, car le brouillard n’est point au rendez-vous et sa teinte rouge-orangé est plus vive que jamais, Angel Island, la version locale de « Grosse île » redéfinit indéniablement le vert en ce jour tant elle capte l’œil, la mythique et mystique Alcatraz Island trône au cœur de la baie ensoleillée, le Bay Bridge se démarque au loin, mais surtout, la plus européenne et libérale des villes américaines se dresse devant nous dans toute sa splendeur, dans toute sa pluralité pleinement assumée et elle est absolument ravissante. Plusieurs ont les yeux humides d’un spectacle que les mots n’arrivent à décrire et la contemplation se veut meilleure complice de l’instant lors de cet arrêt à Vista Point.
Parvenir à mettre des mots sur une ville comme San Francisco n’est point chose facile, car c’est d’abord et avant tout une ville d’idées et de mouvements :
- Le mouvement hippie est né dans le quartier Haight-Ashbury.
- Le mouvement architectural alliant esthétisme et résistance aux séismes s’exprime élégamment à Alamo Square et bien fièrement, résolument droit dans le quartier des affaires et au Civic Center.
- L’idée d’unifier la personnalité d’une ville tout en préservant ses particularités culturelles, propres à ses diverses vagues d’immigration, se révèle dans le Chinatown, North Beach, Mission et Japantown de façon très vivante.
- Le mouvement culinaire favorisant la traçabilité et l’achat local égaye les papilles à Hayes Valley, Glen Park et SoMa.
La possibilité qu’une ville puisse aussi être en harmonie avec la nature tout en lui laissant la place qui lui revient devient bien réelle au Golden Gate Park, aux Twin Peaks et au cœur du Presidio, poumons verts de la ville, tantôt caressés par les rayons du soleil, tantôt plongés dans le brouillard ou bercés par la brise du Pacifique.
San Francisco, ses idées, ses mouvements et ses révolutions c’est tout cela et bien au-delà; mes clients ont tôt fait de me le confirmer à la suite de leur vagabondage de colline en colline, de marché en marché, de latté en latté.
Il est dit qu’en ce monde, nous devrions tous avoir le droit d’aimer deux villes : celle où se trouvent nos racines et San Francisco. De mon côté, la question ne se pose plus; mon cœur y a déjà été laissé dans ma jeune vingtaine, au passage du quart de siècle. D’ailleurs, j’y retourne régulièrement pour prendre de ses nouvelles.
Au plaisir donc, de vous y accompagner un jour pour que peut-être vous y laissiez le vôtre.
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